Convaincu que seule la vengeance lui permettra de surmonter sa douleur, Khaleel a fait mettre Ă prix la tĂȘte du cavalier qui lâa blessĂ© durant la guerre. Mais Azad, son serviteur issu des troupes vaincues, prĂŽne au contraire la patience et la comprĂ©hension. Il lui apprend Ă reconnaĂźtre, sous lâapparente menace dâun dĂ©sert envahissant et mortel, la promesse de lâeau qui dort...
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Extrait choisi
Ă quelques mĂštres devant lui, la troupe des Hommes VoilĂ©s semblait remporter la victoire. Les sabots de leurs chevaux battaient fĂ©rocement les craquelures du sol, charriant leurs cavaliers comme un ouragan de lin bleu. MalgrĂ© sa supĂ©rioritĂ© numĂ©rique, lâAlliance reculait.
Khaleel, et les autres chefs de guerre de lâAlliance qui, comme lui, rĂ©sidaient dans cette rĂ©gion aride, rĂ©sistaient mieux Ă lâassaut foudroyant de leurs adversaires que les soldats fĂ©dĂ©rĂ©s de la reine de Hwaels. Ces chevaliers cuirassĂ©s de mĂ©tal et leurs monstrueux destriers en armure, qui avaient tant impressionnĂ© Khaleel Ă leur arrivĂ©e, nâĂ©taient pas accoutumĂ©s au climat torride du reg ; certains sâĂ©taient mĂȘme Ă©vanouis de chaleur avant le dĂ©but de la bataille.
Les montures dorĂ©es des ennemis en bleus fusaient au contraire avec lĂ©gĂšretĂ© au milieu des combattants. Quelques uns de leurs chefs de tribu Ă©taient tombĂ©s, mais leurs guerriers avaient alors redoublĂ© dâardeur. Lâun dâeux, au cheval tout harnachĂ© dâargent, terrorisait les troupes de lâAlliance au point dâavoir fait place nette autour de lui. Khaleel maniait correctement les armes, mais il espĂ©rait comme les autres que la fĂ©rocitĂ© de ce cavalier resterait Ă distance.
Il nâaurait pas su distinguer la droite de sa gauche dans le fracas de la bataille, pourtant il parvint Ă reconnaĂźtre le mangonneau dans les tourbillons de poussiĂšre. Son opĂ©rateur gisait au sol, le torse percĂ© dâune flĂšche, prĂšs du mĂąt rabattu de la machine de guerre. La fronde Ă©tait armĂ©e et le boulet de pierre prĂȘt Ă partir, mais les Ă©quipiers du cadavre avaient sans doute fui lorsque le combat sâĂ©tait rapprochĂ©. Khaleel se focalisa aussitĂŽt sur la corde dâactionnement du mĂ©canisme, repĂ©rant sa position avec une exactitude qui le surprit lui-mĂȘme.
La machine pointait vers le dĂ©sert, oĂč les ennemis se regroupaient en nombre. Si Khaleel parvenait Ă envoyer le projectile, il donnerait en plein cĆur de lâarmĂ©e nomade, boulerait au milieu de ses combattants, Ă©pouvanterait leurs chevaux… En un battement de cĆur, il comprit que lâissue du combat pouvait basculer dâun mouvement de levier.
La pierre Ă©tait chargĂ©e, il suffisait dâenclencher le mĂ©canisme.
Au mĂȘme moment, alors quâautour dâeux des guerriers se prĂ©cipitaient entre les chevaux fulgurants, le terrifiant cavalier remarqua Khaleel.
CâĂ©tait comme si le destin leur parlait, intimant Ă lâun de bondir sur la catapulte, et Ă lâautre de lâen empĂȘcher.
Le chef de tribu prit le galop dans un tourbillon bleu et sable. Khaleel se jeta sur le mangonneau, Ă quelques pas seulement, mais si loin dans le temps. Son corps se tendit puis fusa comme la corde dâun arc, le lin de sa tunique battant le cuir de ses bottes. Ă lâinstant oĂč ses mains se refermaient sur le cĂąble pour actionner le mĂ©canisme, le cavalier bondit Ă terre devant lui, souple et prĂ©cis comme un chat du dĂ©sert.
Il portait le voile trĂšs fin typique des hommes de son peuple, qui recouvrait habituellement mĂȘme les yeux. LacĂ©rĂ© au court de la bataille, le sien rĂ©vĂ©lait son regard : deux orbes gris comme un ciel dâorage avec, dans le droit, une goutte brun sombre semblable Ă une deuxiĂšme pupille. Ce regard terrible foudroya Khaleel sur placeâ; il sut alors que sa vie ne tenait plus quâĂ la corde tendue de la catapulte.
Un coup sec suffirait à actionner le bras armé du mangonneau ; Khaleel fut plus rapide.
La machine sâĂ©branla dans un craquement sinistre, et son adversaire poussa un hurlement dĂ©chirant. La pierre siffla, percuta le rang des cavaliers bleus de plein fouet, alors que la poitrine de Khaleel explosait de douleur, lĂ oĂč lâĂ©pĂ©e ennemie venait dâenfoncer ses cĂŽtes.
â
Khaleel se rĂ©veilla, une main plaquĂ©e contre la dĂ©pression des os Ă lâendroit oĂč sa poitrine pourtant guĂ©rie pulsait de douleur.
Dans lâobscuritĂ© de sa chambre, il sâentendit haleter, les mĂšches Ă©parses de sa longue chevelure collĂ©es Ă la peau par sa sueur⊠PĂ©nĂ©trant par la fenĂȘtre ouverte, une brise louvoya entre le voile dĂ©licat des moustiquaires et le fit frissonner. Khaleel quitta son lit en silence pour aller tirer les rideaux, puis il sortit sur le balcon pour admirer la mer de dunes qui ondoyait dans la poussiĂšre du soleil levant.
Son palais, creusĂ© dans les galeries de Maâaskar, surplombait la ville troglodyte de lâoasis de pierre. Depuis sa terrasse, il lâentendait sâĂ©veiller lentement, des chiens sâappelant de loin en loin alors que la charrette du passeur dâĂąmes rentrait au cimetiĂšre. Les sons allaient se perdre dans le dĂ©sert alentour, qui sâĂ©tendait jusquâĂ lâhorizon. Maâaskar nâĂ©tait quâun Ăźlot rocheux dans cette mer arĂ©nacĂ©e, et parfois Khaleel se sentait comme un naufragĂ© pris au piĂšge.
Il Ă©tait nĂ© dans lâoasis et avait grandi sur lâhamada rocailleuse, mais il craignait le dĂ©sert. Il aurait Ă©tĂ© incapable de franchir les vagues sablonneuses qui engloutissaient, jour aprĂšs jour, le squelette calcinĂ© des derniers arbres. Pour lui, ce nâĂ©tait quâune immensitĂ© vide, brĂ»lante, et mortelle, que seules les caravanes du Peuple VoilĂ© savaient traverser. Son Ă©pouse, qui rejoignait souvent leurs mĂ©harĂ©es pour Ă©tablir des liens diplomatiques Ă lâextĂ©rieur, prĂ©tendait trouver le trajet reposant.
Khaleel prĂ©fĂ©rait sentir la pierre sous ses pieds, fraĂźche jusquâĂ ce que le soleil rĂ©chauffe la ville, qui se draperait ensuite dans lâombre des trĂšs hautes falaises auxquelles elle sâadossait.      Maâaskar respirait Ă un rythme rĂ©gulier, comme une clepsydre, contrairement au dĂ©sert changeant.
«âEncore une fois, tu te rĂ©veilles avant moi.â»
Khaleel sourit Ă la vieille domestique qui avait Ă©tĂ© sa nourrice. Nuha le rejoignit sur la terrasse en traĂźnant des pieds, lentement, Ă cause de ses rhumatismes, et posa ses mains brunes sur la rambarde de pierre. «âIl est temps pour moi de me retirer, cabri. Je ne te suis bonne Ă rien dans cet Ă©tat.â»
«âCe ne sont pas tes services qui te rendent prĂ©cieuse Ă mes yeux.â» Khaleel sâaccouda Ă la balustrade. Nuha avait raison, bien sĂ»r. Elle mĂ©ritait de retourner chez sa famille pour se reposer. «âComment se dĂ©roule la formation de ton apprentiâ?â»
Khaleel avait reçu en cadeau, Ă la fin de la guerre, vingt prisonniers du Peuple VoilĂ© ainsi que la monture du combattant qui lâavait estropiĂ©, une jument magnifique nommĂ©e Ăttebel. On nâavait pas retrouvĂ© son cavalier, bien que Khaleel ait fait mettre sa tĂȘte Ă prix. Nuha pensait que frĂ©quenter un Homme VoilĂ© au quotidien aiderait Khaleel Ă surmonter sa blessure⊠Elle avait donc formĂ©, pour lui succĂ©der, un serviteur quâelle prĂ©tendait charmant. Khaleel nâavait pour sa part jamais vu son visage, car il portait toujours le voile caractĂ©ristique des siens.
Dans les galeries de Maâaskar, la plupart de ses congĂ©nĂšres avait choisi de dĂ©couvrir leur regardâ; mais Azad avait ajoutĂ© un tissu trĂšs fin Ă lâuniforme blanc des domestiques, Ă©pinglĂ© Ă son chĂšche par une broche dâargent qui reprĂ©sentait une selle de chameau.
Ses gestes Ă©taient prĂ©cis, mesurĂ©s, efficaces. Il parlait peu. Les premiers temps, Khaleel lâavait trouvĂ© inquiĂ©tant, presque menaçant de froideur. Il sortait rarement de sa rĂ©serve et paraissait sur le qui-vive, tendu comme une outre sur le point de fuir. Khaleel lâavait vu plus dâune fois porter une main Ă la dague ciselĂ©e quâil arborait Ă la ceinture.
Dans ces instants, Khaleel ne pouvait que deviner son expression sous le voile qui ne le quittait jamais, mais il nâavait aucun mal Ă imaginer ce quâil pouvait ressentir. Lui-mĂȘme sursautait encore aux bruits soudains, aux gestes trop brusques. Ils avaient Ă©tĂ© ennemis, mais avaient tout de mĂȘme subie la guerre ensemble.
Azad se montrait distant, mais aussi efficace, intelligent et athlĂ©tique. Contrairement Ă sa vieille nourrice, il accompagnait Khaleel partout, mĂȘme durant ses folles cavalcades dans les dunes avoisinantes ou ses chasses au lĂ©vrier. Il Ă©tait lui-mĂȘme un excellent cavalier qui par ailleurs prenait le plus grand soin dâĂttebel.
Plus que tout, il aidait Khaleel Ă apprendre le dĂ©sert, cet ocĂ©an terrible qui gagnait chaque mois sur ses terres depuis lâincendie qui avait dĂ©truit leur derniĂšre forĂȘt. Azad fut dâabord rĂ©ticent Ă sâĂ©pancher, puis sâadoucit en constatant que le jeune homme sâintĂ©ressait sincĂšrement Ă ses rĂ©ponses. Petit Ă petit, il lui expliqua comment apprivoiser les dunes pour y trouver de quoi se nourrir et, plus important, comment se dĂ©saltĂ©rer. Il lui raconta lâodeur du sable, les bruissements sous les Ă©toiles, la fraĂźcheur salĂ©e du lait de chamelle⊠Il lui apprit Ă creuser un lit confortable, quel thĂ© boire Ă lâaube, et lequel au couchant.
Au bout de trois ans de ces services, Khaleel se dit quâAzad Ă©tait comme le dĂ©sert : silencieux et impĂ©nĂ©trable Ă lâaurore de leur relation, dissimulĂ© sous plusieurs voiles de mystĂšre, il sâĂ©tait lentement rĂ©vĂ©lĂ© Ă la caresse du soleil.
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En Plein coeur, L.A. Morgane
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