En Plein coeur, L.A. Morgane

Convaincu que seule la vengeance lui permettra de surmonter sa douleur, Khaleel a fait mettre à prix la tête du cavalier qui l’a blessé durant la guerre. Mais Azad, son serviteur issu des troupes vaincues, prône au contraire la patience et la compréhension. Il lui apprend à reconnaître, sous l’apparente menace d’un désert envahissant et mortel, la promesse de l’eau qui dort...

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Extrait choisi

À quelques mètres devant lui, la troupe des Hommes Voilés semblait remporter la victoire. Les sabots de leurs chevaux battaient férocement les craquelures du sol, charriant leurs cavaliers comme un ouragan de lin bleu. Malgré sa supériorité numérique, l’Alliance reculait.

Khaleel, et les autres chefs de guerre de l’Alliance qui, comme lui, résidaient dans cette région aride, résistaient mieux à l’assaut foudroyant de leurs adversaires que les soldats fédérés de la reine de Hwaels. Ces chevaliers cuirassés de métal et leurs monstrueux destriers en armure, qui avaient tant impressionné Khaleel à leur arrivée, n’étaient pas accoutumés au climat torride du reg ; certains s’étaient même évanouis de chaleur avant le début de la bataille.

Les montures dorées des ennemis en bleus fusaient au contraire avec légèreté au milieu des combattants. Quelques uns de leurs chefs de tribu étaient tombés, mais leurs guerriers avaient alors redoublé d’ardeur. L’un d’eux, au cheval tout harnaché d’argent, terrorisait les troupes de l’Alliance au point d’avoir fait place nette autour de lui. Khaleel maniait correctement les armes, mais il espérait comme les autres que la férocité de ce cavalier resterait à distance.

Il n’aurait pas su distinguer la droite de sa gauche dans le fracas de la bataille, pourtant il parvint à reconnaître le mangonneau dans les tourbillons de poussière. Son opérateur gisait au sol, le torse percé d’une flèche, près du mât rabattu de la machine de guerre. La fronde était armée et le boulet de pierre prêt à partir, mais les équipiers du cadavre avaient sans doute fui lorsque le combat s’était rapproché. Khaleel se focalisa aussitôt sur la corde d’actionnement du mécanisme, repérant sa position avec une exactitude qui le surprit lui-même.

La machine pointait vers le désert, où les ennemis se regroupaient en nombre. Si Khaleel parvenait à envoyer le projectile, il donnerait en plein cœur de l’armée nomade, boulerait au milieu de ses combattants, épouvanterait leurs chevaux… En un battement de cœur, il comprit que l’issue du combat pouvait basculer d’un mouvement de levier.

La pierre était chargée, il suffisait d’enclencher le mécanisme.

Au même moment, alors qu’autour d’eux des guerriers se précipitaient entre les chevaux fulgurants, le terrifiant cavalier remarqua Khaleel.

C’était comme si le destin leur parlait, intimant à l’un de bondir sur la catapulte, et à l’autre de l’en empêcher.

Le chef de tribu prit le galop dans un tourbillon bleu et sable. Khaleel se jeta sur le mangonneau, à quelques pas seulement, mais si loin dans le temps. Son corps se tendit puis fusa comme la corde d’un arc, le lin de sa tunique battant le cuir de ses bottes. À l’instant où ses mains se refermaient sur le câble pour actionner le mécanisme, le cavalier bondit à terre devant lui, souple et précis comme un chat du désert.

Il portait le voile très fin typique des hommes de son peuple, qui recouvrait habituellement même les yeux. Lacéré au court de la bataille, le sien révélait son regard : deux orbes gris comme un ciel d’orage avec, dans le droit, une goutte brun sombre semblable à une deuxième pupille. Ce regard terrible foudroya Khaleel sur place ; il sut alors que sa vie ne tenait plus qu’à la corde tendue de la catapulte.

Un coup sec suffirait à actionner le bras armé du mangonneau ; Khaleel fut plus rapide.

La machine s’ébranla dans un craquement sinistre, et son adversaire poussa un hurlement déchirant. La pierre siffla, percuta le rang des cavaliers bleus de plein fouet, alors que la poitrine de Khaleel explosait de douleur, là où l’épée ennemie venait d’enfoncer ses côtes.

Khaleel se réveilla, une main plaquée contre la dépression des os à l’endroit où sa poitrine pourtant guérie pulsait de douleur.

Dans l’obscurité de sa chambre, il s’entendit haleter, les mèches éparses de sa longue chevelure collées à la peau par sa sueur… Pénétrant par la fenêtre ouverte, une brise louvoya entre le voile délicat des moustiquaires et le fit frissonner. Khaleel quitta son lit en silence pour aller tirer les rideaux, puis il sortit sur le balcon pour admirer la mer de dunes qui ondoyait dans la poussière du soleil levant.

Son palais, creusé dans les galeries de Ma’askar, surplombait la ville troglodyte de l’oasis de pierre. Depuis sa terrasse, il l’entendait s’éveiller lentement, des chiens s’appelant de loin en loin alors que la charrette du passeur d’âmes rentrait au cimetière. Les sons allaient se perdre dans le désert alentour, qui s’étendait jusqu’à l’horizon. Ma’askar n’était qu’un îlot rocheux dans cette mer arénacée, et parfois Khaleel se sentait comme un naufragé pris au piège.

Il était né dans l’oasis et avait grandi sur l’hamada rocailleuse, mais il craignait le désert. Il aurait été incapable de franchir les vagues sablonneuses qui engloutissaient, jour après jour, le squelette calciné des derniers arbres. Pour lui, ce n’était qu’une immensité vide, brûlante, et mortelle, que seules les caravanes du Peuple Voilé savaient traverser. Son épouse, qui rejoignait souvent leurs méharées pour établir des liens diplomatiques à l’extérieur, prétendait trouver le trajet reposant.

Khaleel préférait sentir la pierre sous ses pieds, fraîche jusqu’à ce que le soleil réchauffe la ville, qui se draperait ensuite dans l’ombre des très hautes falaises auxquelles elle s’adossait.      Ma’askar respirait à un rythme régulier, comme une clepsydre, contrairement au désert changeant.

« Encore une fois, tu te réveilles avant moi. »

Khaleel sourit à la vieille domestique qui avait été sa nourrice. Nuha le rejoignit sur la terrasse en traînant des pieds, lentement, à cause de ses rhumatismes, et posa ses mains brunes sur la rambarde de pierre. « Il est temps pour moi de me retirer, cabri. Je ne te suis bonne à rien dans cet état. »

« Ce ne sont pas tes services qui te rendent précieuse à mes yeux. » Khaleel s’accouda à la balustrade. Nuha avait raison, bien sûr. Elle méritait de retourner chez sa famille pour se reposer. « Comment se déroule la formation de ton apprenti ? »

Khaleel avait reçu en cadeau, à la fin de la guerre, vingt prisonniers du Peuple Voilé ainsi que la monture du combattant qui l’avait estropié, une jument magnifique nommée Éttebel. On n’avait pas retrouvé son cavalier, bien que Khaleel ait fait mettre sa tête à prix. Nuha pensait que fréquenter un Homme Voilé au quotidien aiderait Khaleel à surmonter sa blessure… Elle avait donc formé, pour lui succéder, un serviteur qu’elle prétendait charmant. Khaleel n’avait pour sa part jamais vu son visage, car il portait toujours le voile caractéristique des siens.

Dans les galeries de Ma’askar, la plupart de ses congénères avait choisi de découvrir leur regard ; mais Azad avait ajouté un tissu très fin à l’uniforme blanc des domestiques, épinglé à son chèche par une broche d’argent qui représentait une selle de chameau.

Ses gestes étaient précis, mesurés, efficaces. Il parlait peu. Les premiers temps, Khaleel l’avait trouvé inquiétant, presque menaçant de froideur. Il sortait rarement de sa réserve et paraissait sur le qui-vive, tendu comme une outre sur le point de fuir. Khaleel l’avait vu plus d’une fois porter une main à la dague ciselée qu’il arborait à la ceinture.

Dans ces instants, Khaleel ne pouvait que deviner son expression sous le voile qui ne le quittait jamais, mais il n’avait aucun mal à imaginer ce qu’il pouvait ressentir. Lui-même sursautait encore aux bruits soudains, aux gestes trop brusques. Ils avaient été ennemis, mais avaient tout de même subie la guerre ensemble.

Azad se montrait distant, mais aussi efficace, intelligent et athlétique. Contrairement à sa vieille nourrice, il accompagnait Khaleel partout, même durant ses folles cavalcades dans les dunes avoisinantes ou ses chasses au lévrier. Il était lui-même un excellent cavalier qui par ailleurs prenait le plus grand soin d’Éttebel.

Plus que tout, il aidait Khaleel à apprendre le désert, cet océan terrible qui gagnait chaque mois sur ses terres depuis l’incendie qui avait détruit leur dernière forêt. Azad fut d’abord réticent à s’épancher, puis s’adoucit en constatant que le jeune homme s’intéressait sincèrement à ses réponses. Petit à petit, il lui expliqua comment apprivoiser les dunes pour y trouver de quoi se nourrir et, plus important, comment se désaltérer. Il lui raconta l’odeur du sable, les bruissements sous les étoiles, la fraîcheur salée du lait de chamelle… Il lui apprit à creuser un lit confortable, quel thé boire à l’aube, et lequel au couchant.

Au bout de trois ans de ces services, Khaleel se dit qu’Azad était comme le désert : silencieux et impénétrable à l’aurore de leur relation, dissimulé sous plusieurs voiles de mystère, il s’était lentement révélé à la caresse du soleil.

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En Plein cœur - L.A. Morgane (couverture)

En Plein coeur, L.A. Morgane

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3 avis pour En Plein coeur, L.A. Morgane

  1. Tygat

    Superbe aussi la scène d’ouverture, la bataille entre les deux tribus. On a là une véritable impression cinématographique qui irait du plan large de la bataille vue par Khaleed au zoom sur le corps à corps avec son ennemi. Un petit bijou digne de « Lawrence d’Arabie ».

  2. Regis80

    Le désert malgré son aspect mortel est ici magnifié par l’écriture de L.A Morgane. Son style nous amène à sentir la brûlure du soleil, la chaleur du vent et les couleurs des oasis.
    On ressent tout cela quasi-physiquement et on pourrait, comme ses personnages, sentir ce vent soulever les vêtements du désert et caresser les jambes comme dans l’une des scènes admirables de cette nouvelle.

  3. Tygat

    Le portrait de Khaleed, torturé par la vengeance et par sa blessure, est très réussi. On sent cet homme à la fois obsédé par sa vengeance mais détestant la guerre, voulant à la fois percer le secret de son serviteur mais aussi conquérir son estime.
    Azad est plus complexe. Son portrait est biaisé puisque l’histoire nous est contée du point de vue de Khaled mais j’ai trouvé ce personnage plus riche. Son évolution apporte énormément à l’histoire.

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